Interview : Dmitriy Fofonov "On a opté pour la jeunesse"

Interview : Dmitriy Fofonov "On a opté pour la jeunesse"

Interview. Dmitriy Fofonov (Manager d'Astana-Premiertech) "On a opté pour la jeunesse"

« Bonjour Alexandre, je viens juste de terminer ma conversation téléphonique avec Giuseppe Martinelli... ». Du côté du staff d'Astana-Premiertech, on s'active déjà pour la saison prochaine. Car si une partie des coureurs sont encore en vacances, Dmitriy Fofonov et son équipe travaillent eux d'arrache-pied. Préparation du prochain camp d'entraînement, calendrier des coureurs, les journées du manager kazakh sont bien remplis. Il a toutefois trouvé un créneau pour Velo-Club.net afin d'évoquer cette saison 2021 qui arrive à grand-pas.

Vous avez officialisé la semaine dernière l'effectif pour la saison 2021. Il y a 31 coureurs, soit trois de plus que la saison dernière. Est-ce que cette augmentation est liée au Covid19 et à un élan de solidarité envers certains coureurs ou bien le départ de Miguel Angel Lopez a libéré certaines liquidités ?

Il y a de ça, oui. Puis on a le droit cette saison d'avoir jusqu'à 32 coureurs donc autant en profiter. On a toujours nos neuf kazakhs, et avec la montée en puissance de Premiertech un autre canadien nous a rejoint (Ben Perry). Cela fait quatre ans qu'ils sont avec nous et ils passent là un autre cap en devenant l'égal de Samruk-Kazyna.

Si le calendrier ne bouge pas, pour travailler bien c'est important d'avoir un effectif conséquent. Alors, au premier regard on peut penser que ça fait beaucoup, mais pour pouvoir enchaîner les phases de travail, de course et de récupération c'est nécessaire. Quand un coureur n'est pas prêt ça lui laisse le temps de se préparer et de revenir quand il sera au niveau. Puis entre les malades, les blessés, l'effectif peut vite devenir limite comme ce fut le cas en cette fin de saison même si cette dernière fut particulière. Le risque, bien entendu, si tout va bien va être d'organiser un programme égal pour tout le monde. Mais bon, il vaut mieux avoir plus que pas assez. Surtout qu'il y a beaucoup de jeunesse dans notre effectif.

Le dernier coureur confirmé a été Alexey Lutsenko. Avez-vous eu un doute sur sa prolongation ?

Lui, il est à la maison. Il n'y a pas eu d'inquiétude, la situation était sous contrôle malgré les rumeurs. Après, si une autre équipe propose des millions c'est normal de se poser des questions. C'est un coureur qui est fort, cela fait plusieurs années déjà qu'il roule pour Astana et le Kazakhstan. Il a gagné de belles courses, mais il peut avoir de nouveaux objectifs. Je pense aux Championnats du Monde, il est sur la bonne voie pour remporter ce titre un jour chez les professionnels.

Miguel Angel Lopez va rejoindre Movistar en 2021. Astana a vraiment tout fait pour le garder ?

Une proposition lui a été faite, mais elle n'était pas à la hauteur de ce qu'on lui proposait ailleurs. D'un point de vue purement sportif, Miguel voulait rester. Mais ça ne fait pas tout. Je ne vais pas me plaindre en disant qu'on n'a pas d'argent, on a notre budget à nous ! Certains ont plus, chacun gère comme il le peut.

Au niveau arrivées, huit coureurs vont vous rejoindre dont de nombreux jeunes. On va commencer par l'Espagnol Javier Romo. Un mot sur cette découverte ?

Il a fait de très bons tests avec des super chiffres, mais ça ne fait pas tout. Il a cependant du potentiel, comme il l'a montré en remportant les Championnats d'Espagne U23. À nous de travailler avec lui pour voir jusqu'où il peut aller. C'est un coureur pour le futur, c'est pour ça qu'il a signé trois ans, mais il ne faut pas bruler les étapes.

Trois jeunes italiens vous rejoignent également. Samuele Battistella, Matteo Sobrero et Andrea Piccolo qui de son côté avait déjà signé depuis quelque temps...

Oui, Andrea avait déjà un pré-contrat et fait des camps d'entraînement avec nous. Il est déjà suivi par nos entraîneurs et a à sa disposition un vélo de contre-la-montre. Samuele Battistella, lui, est un nom qui parle. Il a été champion du Monde U23. Il a des qualités, mais c'est lui aussi un talent à développer. Matteo Sobrero est lui aussi prometteur et a fait un très bon Giro.

Passons à Stefan De Bod qui est le premier sud-africain à signer chez Astana...

C'est lui aussi un très bon coureur en devenir. Il grimpe bien. Il sera un bon renfort pour les leaders. Après, vous l'aurez compris on a opté pour la jeunesse car il faut bien penser au futur de l'équipe. On a quelques coureurs d'expérience comme Luis Leon Sanchez, Jakob Fuglsang ou les frères Izagirre, mais après on descend rapidement vers des coureurs qui ont moins de vingt-six ans.

Deux Kazakhs prometteurs vous rejoignent enfin : Gleb Brussenskiy et Yevgeniy Fedorov. Un mot sur ce dernier qui s'est particulièrement distingué cette saison au Langkawi ou au Rwanda ...

Fedorov a déjà eu de bons résultats et il a du potentiel, mais le World Tour est un autre niveau. Il faut faire un grand pas en avant. On devrait le voir sur les classiques, c'est une bonne école.

Miguel Angel Lopez étant parti, qui va récupérer son rôle de leader ? Aleksandr Vlasov ?

Il y a Vlasov, oui. Je pense aussi à Harold Tejada. On a également Ion Izagirre qui tient bien la baraque. Il a eu de la malchance sur le Tour, mais ça reste un très bon coureur. Puis on a aussi Gorka Izagirre, Jakob Fuglsang, Alexei Lutsenko. Il y a du monde. Derrière ça, on a un coureur comme Omar Fraile qui revient bien après son grave accident de voiture d'il y a deux ans. Il a eu du mal à retrouver son niveau, mais on a vu sur la Vuelta qu'il était sur la bonne voie.

Les médias ont longtemps évoqué un éventuel départ d'Aleksandr Vlasov chez Ineos. Qu'en est-il réellement ?

Alexandre Vinokourov a parlé avec lui avant la Vuelta, moi pendant puisque j'y étais même si je n'étais pas prévu au départ. On a parlé avec lui, on peut lui donner l'opportunité suite au départ de Lopez d'obtenir un rôle très fort dans l'équipe. Il a encore un an de contrat avec nous et c'est un garçon intelligent. C'est un coureur qui à la gagne, très perfectionniste. D'ici deux ans il sera sur le podium d'un Grand Tour.

Beaucoup de coureurs seront en fin de contrat fin 2021, notamment vos leaders...

Je pense qu'il n'y aura pas de problèmes pour faire prolonger la majorité des coureurs. C'est basé sur la confiance, ils savent comment travaille l'équipe. Après, si un coureur ne se plait pas dans l'équipe ou qu'il y a vraiment une grosse offre il peut y avoir un départ. Mais en général on part pour travailler sur quatre ans au moins avec les coureurs.

Un retour de Fabio Aru a-t-il été envisagé ?

Il s'est tourné vers nous et j'ai, notamment, personnellement échangé avec lui. Nous avons toujours eu une relation respectueuse. Il m'a dit qu'il avait acquis de l'expérience chez UAE, qu'il a commis des erreurs et qu'il aimerait bien retrouver notre ambiance familiale s'il y avait une opportunité. Ce fut une décision compliquée humainement. Mais on ne pouvait pas donner suite à sa demande. La politique de l'équipe a changé après le départ de Vincenzo Nibali et de Fabio. Nous nous concentrons, désormais, essentiellement sur le développement de jeunes talents avec lesquels nous planifions l'avenir. Comme ce fut le cas avec Fabio et Miguel. Fabio est arrivé chez nous non professionnel et est devenu un leader. La même chose s'est produite avec Lopez. Nous avons maintenant une jeune équipe avec qui nous espérons passer les quatre ou cinq prochaines années à conquérir des résultats au plus haut niveau.

Alexandre Vinokourov a déclaré il y a quelques semaines que si l'avenir d'Astana était sécurisé pour 2021, il y a avait un doute pour 2022. Qu'en est-il justement aujourd'hui ?

Il y a des discussions entre les sponsors du côté du Kazakhstan et au Canada pour développer des écoles de cyclisme et ainsi former des jeunes coureurs. Quand vous comptez ouvrir une école, je ne pense pas que ce soit pour une seule année. On a à faire à des gens qui veulent construire, c'est cas de Jean Bélanger le Président de Premiertech. Cela fait quatre ans qu'il est avec nous, c'est un passionné de vélo et il est ambitieux.

Il veut faire se développer le cyclisme au Canada.

Peut-on penser du coup, à terme, qu'il y ait un équilibrage entre le nombre de coureurs kazakhs et canadiens au sein de l'effectif ?

On ne peut pas faire un match entre les deux pays. On est une équipe internationale, déjà, et on ne peut pas se permettre de perdre en qualité. Si on prend dix kazakhs, dix canadiens, on ne peut plus rien faire derrière. Il faut rechercher la qualité. Peut-être dans le futur, dans cinq ou dix ans, en fonction de ce que donnent ces écoles de cyclisme. On aura peut-être, alors, un autre discours.

L'équipe partira en stage en janvier ?

Oui, on a décidé de ne rien faire en décembre compte tenu du Covid car pour les déplacements ce n'est pas évident. Puis la saison a été très intense et vient juste de se terminer.

Ce qui était d'ailleurs inespéré en avril...

Oui, mais je ne vous cache pas que ça a été dur pour les coureurs, pour le staff, pour tout le monde. Mais bon, on comprend la situation. On a joué le jeu, les organisateurs et l'UCI aussi. On a eu droit à des dérogations pour partir sur les courses à cinq ou six coureurs car on ne pouvait pas faire autrement. On a tous fait le maximum pour le futur du cyclisme et je pense que ces efforts devraient payer en espérant que le Covid nous laisse plus tranquille l'an prochain.

Ce dernier a malheureusement eu déjà raison du Tour Down Under. Où allez-vous débuter votre saison du coup ?

En Espagne et en Provence. On sera sur trois fronts. En ce qui concerne l'Australie, c'est dommage bien entendu mais ça n'a jamais été un objectif pour nous puisqu'on n'a pas de sprinters.

Giuseppe Martinelli a indiqué que Jakob Fuglsang viserait les classiques et délaisserait le général des Grands Tours. Vous partez sur cette idée ?

Vous savez si vous prenez l'exemple de Richie Porte, chaque année il visait le général du Tour et il n'y arrivait pas. Cette année, ce n'était pas un objectif et pourtant il termine sur le podium. On attend le parcours du Giro et on prendra une décision pour savoir quel Tour il fera en 2021.

Pour conclure, le maillot d'Astana sera t-il toujours bleu la saison prochaine ?

Oui, on veut garder notre visibilité. Ce serait bête de perdre cela. Il va un peu évoluer au niveau du design pour suivre la mode puis au niveau du logo (Premiertech devient plus gros), mais il n'y aura pas de grands changements. Les cuissards, eux, vont restés noirs. En quinze ans, on n'a pas changé de couleur. Ce serait dommage de la faire aujourd'hui.

Propos recueillis par Alexandre Paillou

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