Interview : Andrei Krasilnikau "Toujours un honneur de pouvoir représenter son pays"

Interview : Andrei Krasilnikau "Toujours un honneur de pouvoir représenter son pays"

Champion de Biélorussie à deux reprises (2013 et 2015), Andrei Krasilnikau entamera sa troisième saison au sein de la formation américaine Holowesko-Citadel Racing Team dirigée par les frères Hincapie. Petit retour sur sa saison 2017 et sur ses principaux objectifs en 2018.

 

Andrei, on t’a souvent vu à l’attaque l’année dernière mais sans jamais malheureusement pouvoir conclure. Comment analyses-tu ta saison 2017 ?

Personnellement, je suis content de ma saison 2017, tout comme le management de mon équipe. Je sais également que mes résultats auraient pu être meilleurs mais il y a eu quelques erreurs tactiques de ma part et aussi parfois de la malchance. Mais j’essaierai de faire mieux cette saison.

L’équipe Holowesko s’est imposée à 9 reprises en 2017. Ce bilan est-il satisfaisant ?

Nous avons gagné sur presque toutes les grosses courses auxquelles nous avons participé. La saison peut donc être considérée comme très bonne.

Après le départ de votre sprinter Travis McCabe fin 2016, l’équipe a perdu son leader, Robin Carpenter, qui passe dans les rangs d’une autre équipe américaine, à savoir Rally Cycling. C’est un coup dur pour l’équipe. Comment les frères Hincapie ont-ils compensés ce départ ?

Oui, bien sûr les départs de Travis l’année passée et de Robin cette saison changent la situation de l’équipe, mais c’est le cas pour toutes les équipes, les coureurs vont et viennent. Même s’ils restent des amis au sein du peloton, nous devons maintenant gagner sans eux et trouver de nouveaux leaders.

Thomas Craven a recruté de nouveaux talents, et entre les anciens (8 coureurs restant dans l’équipe) et les nouveaux, nous ferons tout pour que la saison 2018 soit encore meilleure que 2017. Nous avons également de nouveaux directeurs sportifs comme Bobby Julich et Radisa Cubric qui vont apporter leur expérience afin que nous soyons prêts pour faire une bonne saison.

En 2018, il y aura 5 équipes américaines en Continental Pro. La lutte pour le titre de meilleure formation américaine risque d’être terrible. La rivalité entre ces équipes est-elle fort présente en course ?

C’est clair que le niveau des autres équipes est très haut et que la concurrence sera rude. Cependant, la concurrence n’est pas ce qui est le plus important pour nous. Elle est plutôt bénéfique et nous motive encore plus pour gagner.

Ces deux dernières saisons, l’équipe n’a disputé que des courses sur le Continent américain. Avec votre passage en Continental Pro, peut-on espérer voir Holowesko sur les routes belges et françaises ?

Avec notre passage en Continental Pro, l’objectif des frères Hincapie d’un calendrier hors USA devient possible. Nous avons plusieurs courses de prévues sur le calendrier Européen, notamment en France et aussi en Croatie. Personnellement, je commence ma saison avec le Tour de Normandie avant d’enchaîner avec la Route Adélie de Vitré, La Roue Tourangelle, Paris-Camembert et le Tour de Croatie.

Quel est ton point de vue sur la réduction du nombre de coureurs par équipe sur les grands tours ? Les équipes WorldTour s’adaptent en réduisant leur effectif en passant souvent de 30 à 25/26 coureurs et avec l’effet boule de neige, cela risque de se répercuter sur les équipes continentales avec pour conséquence d’avoir de nombreux coureurs sans contrat. Quel est ton avis sur ce sujet ?

Je pense que le cyclisme, comme la plupart des sports, est aujourd'hui face à un vrai challenge pour renouveler son public et intéresser la jeune génération. Les plus jeunes ont une nouvelle façon de consommer le sport. Ils ne regardent plus des étapes de 6 heures mais des résumés/highlights online. Il faut donc que le cyclisme trouve des moyens d’être attractif, ce qui n’est pas le cas des longues étapes du Tour de France contrôlées par une ou deux équipes.

Sur les grands tours, la réduction du nombre de coureurs devrait permettre de rendre les courses plus dynamiques et moins prévisibles puisqu’il devient plus difficile de contrôler pour une équipe. Je pense aussi que les organisateurs devraient revoir la longueur des étapes…. Des étapes plus courtes iraient également dans ce sens de créer une course plus captivante, moins contrôlable. Peut-être que plus de coureurs pourraient jouer la gagne, ce qui augmenterait le suspense et donc l’intérêt du public. Je ne parle pas des monuments du cyclisme comme Paris-Roubaix, le Tour des Flandres, etc. pour lesquels le kilométrage fait partie de l’histoire.

Bien sûr, toutes ces discussions et changements doivent se faire en concertation avec toutes les parties concernées, en particulier les équipes, pour le bien de notre sport.

Au sujet de la réduction du nombre de coureurs dans les équipes, c’est difficile de dire l’impact que cela va avoir, mais c’est certain que la concurrence va augmenter pour les places dans le World Tour et qu’il y aura moins de place pour des coureurs “moyens” qui pourtant sont très importants dans leur rôle d’équipier. Il ne faudrait pas non plus que cela pousse à la retraite certains coureurs plus âgés mais dont l’expérience est un atout pour les équipes et formatrice pour les plus jeunes.

Quels seront tes ambitions et principaux objectifs pour cette saison 2018 ainsi que ceux de l’équipe ?

Mon ambition, ainsi que celle de l’équipe, est de réussir sur chaque course de la saison. Je n’ai pas un objectif particulier mais je compte donner le meilleur de moi-même tout au long de la saison en espérant que la réussite soit de mon côté !

A ce jour, tu n’as pas réussi à décrocher une place dans l’équipe nationale pour les Mondiaux ou les Jeux Olympiques. Est-ce un regret ?

Mon rêve serait bien sûr de participer aux Jeux Olympiques ou aux Championnats du Monde. J’ai déjà participé au CLM Elite des Championnats du Monde, ainsi que plusieurs fois en tant que U23, mais bien entendu représenter mon pays est toujours un honneur.

La Biélorussie est un petit pays du cyclisme et nous n’avons jamais beaucoup de quotas attribués pour ces épreuves, faire partie des élus retenus dans l’équipe nationale n’est donc pas facile. Je sais que j’ai le niveau pour représenter mon drapeau et j’espère que mon équipe nationale connaît mes qualités et ma motivation, et que vous me verrez bientôt représenter les couleurs de mon pays à nouveau.

Lors de la trêve hivernale, comment entretiens-tu ta condition physique et quels sont tes principaux loisirs ?

La saison s’étant terminée relativement tôt, puisque ma dernière course était la Colorado Cycling Classic, ma copine est venue aux Etats-Unis et nous avons voyagé deux semaines dans les Rocky Mountains, Parc de Yellowstone et Parc National de Grand Teton. J’ai aussi pu lui montrer la ville légendaire de Boulder où j'ai passé tant de temps, et qui est si mythique pour les cyclistes et sportifs aux USA.

Ensuite, je suis rentré en Europe, plus précisément en Suisse. Cette année, j’ai décidé de commencer des études à l’AISTS (International Academy of Sports Science and Technology) à Lausanne. Il s’agit d’un programme de Master de 15 mois qui a été fondé en collaboration avec le CIO. Le but est de former des cadres spécialisés dans l’administration du sport pour travailler ensuite dans les fédérations internationales, nationales, Comités Olympiques, CIO, Comités d’Organisation ou autres organisations sportives. Nous avons des cours dans différents domaines comme le droit du sport, les technologies, le marketing, la médecine, etc... nous permettant de voir tous les aspects du monde du sport.

En tant qu’athlète, je sais l’importance de ne pas négliger les études afin de préparer au mieux l’après-carrière sportive. J’ai déjà un Master en Ingénierie Mécanique obtenu en Biélorussie, mais je souhaitais faire une autre formation dans le domaine du sport pour mieux comprendre les organisations sportives et leur fonctionnement. Nous, les athlètes, sommes les acteurs d’un théâtre, dont on ne comprend finalement que peu d’aspects, si ce n’est celui de la compétition. Je vois maintenant les choses sous un autre angle et pas seulement comme cycliste. Les cours me permettent de comprendre les aspects légaux, marketing, financiers et au final d’avoir une bonne vision de la complexité du monde sportif.

Ce Master n’est pas spécialement destiné aux athlètes, mais à toute personne passionnée de sport et souhaitant y faire carrière ou enrichir ses connaissances du milieu sportif. Cependant, je trouve qu’il est vraiment utile pour les athlètes/ex-athlètes souhaitant s’investir dans le sport d’avoir une compréhension globale de leur monde et d’y jouer un rôle actif dans le futur.

Il s’agit d’un challenge pour moi cette année de pouvoir mener de front ma carrière sportive et ces études, mais à la fois mon équipe et mon université sont compréhensifs et me supportent dans ce projet. J’espère que cela sera un vrai atout pour le futur.

As-tu l’occasion de suivre l’évolution des jeunes coureurs de ton pays et quels sont les futurs champions de demain ?

Mon pays n’est pas très grand et n’est pas non plus un vrai pays de cyclisme. Cependant tous les 5 ans environ apparaissent 1 ou 2 cyclistes très talentueux. En ce moment, je dirais que l’espoir du pays est Alexandre Riabushenko. Je ne le connais pas bien, mais au vu de ses résultats, il a un bel avenir devant lui et débute sur le World Tour cette année chez Team UAE Emirates.

Il n’est pas toujours facile pour les jeunes talents de trouver une équipe ou de faire les bons choix. J’essaie toujours, si c’est possible, d’aider mes jeunes compatriotes, notamment grâce à mes contacts en France (AVC Aix) ou aux USA.

Interview réalisée par Christian Hiernaut

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