Froome, une trop grande domination ?

Froome, une trop grande domination ?

Et donc voilà, Chris Froome a rejoint les deux plus grandes légendes du cyclisme tricolore : Bernard Hinault et Jacques Anquetil. Ce sont d’ailleurs les deux seuls autres hommes à avoir réussi à remporter le Tour de France et la Vuelta durant la même année, et encore, c’était il y a plus de 30 ans de cela, quand la Vuelta avait lieu plusieurs mois AVANT le Tour de France. Et pourtant, alors que tous les commentateurs sportifs et fans de cyclisme devraient s’extasier devant cette performance hors du commun, la nouvelle a été unanimement saluée d’un simple haussement d’épaules. Bien que l’exploit soit là, l’absence de suspense quant à savoir si celui-ci aura lieu ou non aura beaucoup ôté à sa portée.

Après un Tour de France dominé de la tête et des épaules, où il a récupéré le maillot jaune dès la cinquième journée, et ne l’aura laissé sur les épaules de Fabio Aru que deux petites étapes après cela, et terminant avec 54 secondes d’avance sur Rigoberto Uran mais sans jamais avoir vraiment été mis une seule fois en danger, grâce au formidable travail de sape de ses compagnons de la Sky, Christopher Froome aura réussi à rendre la Vuelta encore plus couru d’avance, en récupérant le maillot rouge dès la troisième étape et en terminant avec plus de 2 minutes d’avance sur Vincenzo Nibali, son premier poursuivant. Alors si l’exploit demeurera dans les livres d’histoire, la passion déclenchée par celui-ci restera vraisemblablement à quai. La question qui se pose alors est la suivante : la domination de Froome sur les courses par étapes est-elle une bonne chose pour le cyclisme, et la faute n’en revient-elle pas à ses concurrents, incapables de le contester ?

L’ultra-domination d’un seul homme sur sa discipline a rarement joué en faveur de celle-ci. Que ce soit en Formule 1, où certaines saisons sont aussi soporifiques qu’une étape de plaine en raison de la supériorité des bolides de telle ou telle écurie, ou au tennis, où Roger Federer ne serait jamais devenu la légende qu’il est aujourd’hui si Nadal n’était pas venu lui mettre des bâtons dans les cordes, un sport ne se sublime que quand il y a une véritable opposition et pas quand les autres ne se battent que pour les places d’honneur.

Mais peut-on pour autant blâmer Chris Froome et la Sky d’être les plus forts ? Pas vraiment. En alignant une équipe équilibrée et puissante et en optant pour une stratégie de contrôle de la course de tous les instants, la Sky fait ce qu’elle doit faire pour remplir son unique objectif, gagner. Le problème réside plutôt dans le fait que les autres teams ne semblent pas tout donner pour gagner mais plutôt se contenter de coups d’éclat. Pourtant, le sport regorge d’exemples où les plus faibles, par une stratégie osée, ont parfois réussi à faire déjouer les plus forts.

Froome et la Sky prévoient de continuer leur bout de chemin ensemble encore quelques années, et il y a donc fort à penser que cette domination dure un peu. Les paris déjà ouverts sur le site BetStars pour le Tour de France 2018 lui donne une cote de seulement 2,38 pour le remporter, minime quand on sait tout ce qu’il pourrait se passer d’ici là. Tout le monde s’attend donc à ses prochaines victoires, comme résigné, et le problème réside peut-être là.

Enfin, il est fort à parier que cette ultra-domination du britannique ne choque personne de l’autre côté de la Manche, tout comme les 9 ans d’invincibilité de Teddy Riner ne sont nullement vécus en France comme un coup dur pour le judo mais bien quelque chose d’exceptionnel, même si les Japonais ne sont sûrement pas d’accord. Alors n’oublions jamais qu’un exploit, même acquis sans réel panache, restera toujours un exploit.

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